correctrice

  • L’œil américain du correcteur

    Il paraît que le bon correcteur prend le temps de lire tous les mots, de les photographier un par un pour déceler l’oubli d’une consonne, l’inversion des lettres, le contresens, bref la coquille qui gâche tout le paragraphe. Personnellement, le mot tranquillité me scotche à l’écran. En effet, quoi de mieux que deux l encadrés par deux i pour se sécher la rétine ?

    On dit ainsi que le bon correcteur a l’œil américain. Cette expression signifie qu’il a l’œil sur tout. Il est certainement plus difficile de conserver cet œil américain de nos jours en raison de la lecture sur Internet. Lorsque nous surfons sur le Net, nous cherchons une information et nous la voulons rapidement. Les spécialistes de la rédaction web comparent les lecteurs du Net à des hunters (chasseurs) : ils chassent les informations. Ce constat explique le concept de la pyramide inversée : dans l’article rédigé, on donne l’information cruciale en premier, puis on déroule ensuite en essayant de captiver le lecteur (chasseur donc) pour qu’il ne décroche pas. C’est ce que vous voyez tous les jours dans les médias numériques.

    Notre habitude de lire sur les écrans nous entraîne ainsi à lire plus vite. De plus, lorsque nous lisons, nous repérons quelques lettres d’un mot puis nous passons au suivant, car notre cerveau a identifié le terme en question. Sinon nous ne pourrions pas lire aussi rapidement. Un exemple pour vous en convaincre :

    « Sleon une édtue de l’Uvinertisé de Cmabrigde, l’odrre es ltteers dans les mtos n’a pas d’ipmrotncae, la suele coshe ipmrotnate est que la pmeirère et la drenèire siot à la bnnoe pclae. Le rsete puet êrte dans un dérordse ttoal et vuos puoevz tujoruos lrie snas porlbème. C’est prace que le creaveu hmauin ne lit pas chuaqe ltetre elle-mmêe, mias le mot cmome un tuot. La peruve… »

    Vous comprenez donc pourquoi vous ne voyez jamais la coquille restante avant d’avoir envoyé votre email (c’est toujours après, bien sûr, quand vous le relisez à tête froide). En tant que correctrice, je dois prendre le temps de cajoler chaque mot, alors que mon époque et mon habitude de la lecture m’incitent à la vitesse. Notre rapport actuel au temps est d’ailleurs un sujet traité par Hartmut Rosa, un philosophe et sociologue allemand. Il a parfaitement synthétisé notre sensation de manque de temps alors que la technologie est censée (pas sensée, attention !) nous en faire gagner : « Le problème, c’est que puisque l’on peut produire plus rapidement, on produit plus. Prenons l’exemple du courrier : rédiger un email prend deux fois moins de temps qu’une lettre. Là où écrire dix lettres prenait deux heures, écrire dix emails n’en prend qu’une. Mais au lieu de gagner une heure, nous prenons deux heures pour écrire vingt emails. »

    C’est ballot.

    Avoir l’œil américain requiert de l’attention, une attention au sens, aux erreurs, aux bons usages des majuscules et minuscules entre autres. Vous ne désignez pas le même groupe de personnes si vous évoquez « les Inconnus » ou « des inconnus ». Vous ne faites pas plaisir à votre patron si vous lui demandez « quand pensez-vous ? », au lieu de « qu’en pensez-vous ? » Le sens est différent si vous écrivez « branler du chef » (hocher la tête de haut en bas) et « branler le chef » (…). Vous indiquez deux choses distinctes si vous constatez que « dans le futur, sept salariés sur dix vont travailler en voiture ». Le premier sens peut indiquer que sept salariés sur dix se rendront au travail en voiture, mais le deuxième peut laisser entendre qu’à l’avenir sept salariés sur dix travailleront dans leur voiture.

    Nous parlerons peut-être des amphibologies (« double sens présenté par une proposition », selon Le Robert) dans un prochain blog, mais si vous souhaitez des liens relatifs aux aspects évoqués dans le billet de ce jour, ils vous attendent en fin d’article.

    Vous pouvez déjà retenir que pour garder l’œil américain, le correcteur doit être attentif et lire lentement. Tout un programme de nos jours.

    Avoir l’œil américain, origines de l’expression : https://serd.hypotheses.org/6880

    Interview d’Hartmut Rosa : https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2016/04/01/hartmut-rosa-plus-on-economise-le-temps-plus-on-a-la-sensation-d-en-manquer_4893818_4497916.html

  • Comment les pauses vous aideront à devenir un correcteur ou une correctrice plus rapide

    Une fois n'est pas coutume, je reprends ci-dessous un article publié pour Scribbr destiné à mes collègues correcteurs et correctrices. Pour respecter les habitudes de Scribbr, je me suis essayée à l'écriture inclusive, comme vous pourrez l'observer dans les lignes qui suivent. De plus, je suppose qu'une lecture sur la manière d'améliorer sa concentration en télétravail devrait accaparer toute votre attention en ces temps où le travail à distance se généralise  

    En ce qui me concerne, travailler le plus souvent seule, de manière quotidienne, face à un écran est quelque chose qui m’est très agréable. Pourtant, beaucoup de mes connaissances me plaignent. Il m’est souvent difficile de leur faire comprendre que je prends beaucoup de plaisir à exercer mon activité de cette manière. Einstein dit qu’il est plus facile de désintégrer un atome qu’un préjugé. Suivant son bon sens, je tente une explication, et si je vois que la personne n’est pas convaincue, j’évite de me disperser dans de longues tirades.

    Néanmoins, je dois bien admettre que travailler plusieurs heures par jour assise, immobile, les yeux rivés face à un écran n’est pas ce qu’il y a de plus sain. Le corps n’est pas assez sollicité, contrairement aux yeux qui le sont trop. Et, à domicile, nous n’avons aucun·e collègue qui détourne notre regard de l’écran, hormis pour celles/ceux qui ont un·e chat·te, ou un·e colocataire traînant en pyjama à 16 heures et demandant où sont les bières, les cigarettes et où se trouve la lessive. Non, en fait, pas la lessive.

    Il est donc indispensable de se ménager des pauses. Celles-ci peuvent varier entre 5 et 20 minutes selon l’heure à laquelle vous avez démarré votre travail, par exemple 5 minutes si vous avez commencé depuis 30 minutes, et 20 minutes si vous vous creusez les méninges depuis 2 heures. Bien que cela soit tentant, il est nécessaire d’éviter de continuer de regarder son écran durant ces pauses. Bien des options sont possibles, mais cet article se concentrera sur l’une des manières les plus saines et efficaces d’occuper votre temps durant une pause : la sophrologie.

     

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    Photo d'Emma Simpson sur Unsplash

     

    La sophrologie est une méthode déclinant des techniques pour améliorer la sérénité et le bien-être de notre corps et de notre mental. Ces techniques peuvent se constituer d’exercices portant sur la respiration, la décontraction musculaire ou l’imagerie mentale (visualisation). Personnellement, en tant qu’ancienne sportive (tennis de table : si, si, c’est un sport), j’avais déjà par le passé effectué de la visualisation pour me projeter dans des situations (de compétition) positives. Cependant, c’est depuis que je suis mère que je mesure pleinement les impressionnants bienfaits de la pratique quotidienne d’exercices de respiration et de relaxation sur ma forme et aussi, il faut bien le dire, mon humeur. Ainsi, je vous suggère de joindre l’utile à l’agréable en pratiquant ces exercices durant vos pauses de travail : ils vous relaxeront, reposeront vos yeux et, surtout, vous mettront dans les meilleures dispositions pour maintenir le niveau de concentration exigé par une correction de plusieurs milliers de mots. Je reprends ici des exemples d’exercices présentés par Clémence Peix Lavallée, une sophrologue française, praticienne, formatrice, conférencière et auteure de plusieurs livres sur le sujet, en bref une experte.

    Tout d’abord, voici mon exercice favori : il est très simple et ses effets ont pour moi été vraiment spectaculaires en quelques semaines seulement. Cette technique se nomme la cohérence cardiaque. Elle dure 3 à 5 minutes. Il est conseillé de la pratiquer assis·e, mais, pour ma part, je préfère m’allonger durant 3 minutes. Il suffit d’inspirer par le nez durant 5 secondes et d’expirer par la bouche pendant 5 secondes. Attention, pour cette pratique, vous devez effectuer une respiration abdominale. Celle-ci implique de gonfler votre ventre à l’inspiration et de le dégonfler durant l’expiration.

    Ensuite, je réalise la technique de la respiration HA afin de retrouver une humeur plus sereine. Cet exercice dure 3 à 5 minutes également. Vous pouvez être debout ou assis·e, le torse bombé vers l’avant, la tête et le corps droits. En inspirant par le nez, vous devez penser au beau, au bon, au merveilleux. Une fois l’inspiration terminée, vous suspendez votre respiration pendant 3 ou 4 secondes. Vous expirez ensuite en prononçant « haaaa » afin de faire sortir toutes les tensions (corporelles, psychiques…) de votre corps. Bloquez de nouveau votre respiration 3 à 4 secondes. Répétez ce cycle trois fois. Les quatre temps de respiration vous éviteront de passer en hyperventilation.

    Enfin, je vous propose un exercice d’une durée de 10 à 20 minutes si vous souhaitez faire une pause un peu plus longue. Il s’agit du training autogène. Comme une majorité d’entre nous, je travaille seule à mon domicile ; il m’est ainsi facile de m’allonger pour le faire. En effet, je n’ai pas de collègues pour me demander ce que je fabrique allongée par terre au milieu de l’open space. C’est tout de suite plus simple. Toutefois, vous pouvez aussi l’effectuer assis·e et le terminer par un étirement des bras et des jambes, un peu comme au réveil. Cet exercice se divise en sept phases durant lesquelles vous devez répéter mentalement certaines phrases trois fois, à l’image des mantras.

    Exercices du training autogène

    Phrases à répéter

    1. Exercice de relaxation

    Je suis calme. Rien ne peut me perturber. Je me sens bien.

    2. Exercice de lourdeur

    Mon bras est lourd. Ma jambe est lourde. Mes bras et mes jambes sont lourds. Tout mon corps est lourd.

    3. Exercice de chaleur

    Mon bras est chaud. Ma jambe est chaude. Mes bras et mes jambes sont chauds. Tout mon corps est chaud.

    4. Réguler le système nerveux autonome

    Mon plexus solaire est chaud.

    5. Ressentir les battements de son cœur

    Mon cœur bat calmement et régulièrement.

    6. Contrôle de sa respiration

    Ma respiration est tout à fait calme, ça respire en moi.

    7. Régulation céphalique

    Mon front est agréablement frais. Ma tête est libre et dégagée.

    Vous disposez maintenant de quelques exercices de sophrologie simples à mettre en place, afin d’optimiser votre concentration et améliorer votre bien-être général. Comme toute pratique, elle ne sera utile que si elle peut être réalisée régulièrement. Qui plus est, les durées de ces exercices s’adaptent idéalement à la technique Pomodoro. Une technique de gestion du temps de travail que vous connaissez déjà certainement en tant que correcteur·rice·s. Pour celles et ceux qui la découvriraient, il s’agit d’une méthode qui découpe les phases de travail en 25 minutes. On effectue 25 minutes de travail, puis 5 minutes de pause durant 1 heure 30. On réalise ensuite 25 minutes de travail, puis on fait une pause de 20 minutes. Vous savez désormais comment combler celles-ci avec efficacité.